Découvrez « Maria, fille de la vallée des rêves » … Chapitre 1 :

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Petit rappel : Le livre dans son intégralité est protégé par le site CopyrightFrance.com

Chapitre 1

Hervé roulait sans doute trop vite, mais cela ne le dérangeait pas plus que ça. Lui et ses frères, Igor et David, devaient retrouver des filles à l’autre bout de la ville. L’alcool aidant, il se sentait invulnérable sur la route et c’est à peine s’il venait de se rendre compte qu’il avait loupé une priorité et manqué de rentrer dans une voiture qui ne l’avait pas vu arriver. Hervé regarda l’heure sur son tableau de bord. Il était vingt heures onze, il accéléra en se disant qu’il avait déjà plus de dix minutes de retard. Il se regarda dans la glace du pare-soleil et tenta de se recoiffer rapidement. Il n’avait pas eu le temps de se passer du gel et ses cheveux bruns avaient un aspect négligé. Il haussa instinctivement les épaules en se disant qu’il irait aux toilettes rapidement pour se recoiffer une fois arrivé au bar.

Il se retourna vers la banquette arrière et vit que ses deux frères, aussi alcoolisés que lui, dormaient profondément à l’arrière. Il se demanda alors comment ils faisaient pour ne pas se réveiller avec toutes les secousses que la voiture devait produire étant donné qu’Hervé prenait ses virages sans freiner. Il frappa très fort Igor sur le genou en criant : 

– Vous endormez pas, les mecs, on arrive bientôt ! Vous allez avoir l’air de quoi si vous pioncez devant elles ?  Il avait son regard de fou, celui-là même qu’il avait quand il était contrarié ou en colère.

Les deux à l’arrière se réveillèrent en sursaut en se demandant combien de temps ils s’étaient assoupis. Hervé prit au passage la bouteille de whisky des mains de David et en but une grosse gorgée. 

– Bordel ! Roule doucement, je veux pas finir à l’hosto ! se plaignit Igor qui était maintenant parfaitement réveillé.

– Ferme-la ! T’avais qu’à conduire ! hurla Hervé, et pis d’abord si vous aviez pas traîné comme des imbéciles tout à l’heure, je serais pas obligé de rouler aussi vite. 

Hervé négocia mal son virage en arrivant dans la rue Nationale et se retrouva au milieu de la route, il eut juste le temps de se rabattre pour éviter un bus. 

– Mais ralentis ! Bon sang ! Tu vas nous tuer ! fit David, apeuré.

Hervé se retourna d’un air mauvais sur David et lui jeta :

– Mais si tu la fermais, je serais plus concentré ! Alors maintenant…

Il fut interrompu par Igor :

– Fais gaffe devant !!! fit-il en désignant quelque chose du doigt juste devant eux.

Hervé se replaça droit sur son siège et sentit son adrénaline monter. Une fille était là devant lui à quelques dizaines de mètres, immobile sur la route et fixant la voiture qui fonçait droit sur elle. Il eut juste le temps de braquer à fond son volant sur la gauche pour ne pas la percuter. À cause de cet écart, il se retrouva sur la file de gauche, en sens inverse. Heureusement pour lui, aucune voiture n’arrivait en face. Il freina son véhicule et fit aller le volant cette fois vers la droite pour se rapprocher de la fille qui n’avait pas bougé d’un centimètre.

Les deux passagers à l’arrière furent secoués par cet arrêt brutal. Hervé reconnut celle qui avait manqué de lui faire faire un accident. Il abaissa sa vitre électrique côté passager et cria en se penchant :

– Espèce de cinglée ! J’ai failli te renverser ! T’inquiète pas, la prochaine fois, on s’occupera de toi, sorcière !

Maria les fixait comme pour les défier. Elle les connaissait bien. C’étaient les trois frères Woczniak. Ils étaient tous au même lycée qu’elle. Ils devaient avoir entre dix-huit et vingt-trois ans et devenaient les pires des idiots quand ils se regroupaient. Igor et David n’avaient pas un fond mauvais, mais leur grand frère Hervé était le meneur et savait les détourner du droit chemin. Quand elle était plus jeune, au collège, elle était même tombée amoureuse d’Igor, car elle adorait son regard, ses yeux verts, ses cheveux bruns et son air rassurant, mais ça n’avait pas duré longtemps, car malgré ses efforts pour qu’Igor la remarque, Hervé avait tout fait pour la critiquer auprès de son frère. David, lui, était plutôt le genre de lycéen discret et introverti lorsqu’il n’était pas en compagnie de son frère aîné. Cependant, il avait le regard plus froid et même s’il y avait des ressemblances avec ses deux frères, il semblait se distinguer d’eux par sa maturité. Enfin, Hervé était celui que tout le monde craignait, car il était imprévisible, voire dangereux sous le coup de la colère. Quand il était petit, on le confondait avec Igor tellement la ressemblance était frappante, mais en grandissant, il fit tout pour se distinguer de lui et a commencé vers l’âge de quinze ans à pratiquer la musculation, à se laisser pousser les cheveux et la barbe pour changer complètement de physique.

Hervé jeta violemment sa bouteille de whisky par la fenêtre de son véhicule et redémarra en trombe. La bouteille fit quelques ricochets et finit sa course à quelques pas de Maria. Elle était encore à moitié remplie et n’avait pas subi d’impact à la suite du lancer. Maria s’avança pour la ramasser, inspecta le contenu et la glissa dans la poche de son blouson en cuir. Elle leva la tête pour voir si le véhicule allait revenir, mais le bruit du moteur s’éloigna dans la nuit noire et le calme revint.

– Et mince ! Encore raté ! soupira-t-elle.

Elle rejoignit l’autre côté de la route. La rue était silencieuse et déserte à présent. Les quelques magasins qui la bordaient avaient déjà baissé leur volet en fer depuis longtemps. Seule, à quelques dizaines de mètres, une laverie automatique était encore ouverte. Maria, ne sachant pas où aller, décida d’y rentrer pour s’asseoir un instant et réfléchir un peu. Elle poussa la porte vitrée. Le lieu était mal éclairé, car un des néons à l’entrée était presque usé et clignotait sans cesse. Sur le mur, on pouvait voir que l’établissement n’avait pas été rénové depuis longtemps, car une vieille peinture verte qui le recouvrait s’écaillait à beaucoup d’endroits. Sur la droite, des lave-linge et d’autres machines automatiques étaient alignés d’un bout à l’autre. Aucun ne fonctionnait. À gauche, seules trois chaises en bois de couleur douteuse permettaient aux clients d’attendre patiemment que le lavage soit terminé. Sur l’une d’entre elles, se trouvait un sans-abri à moitié endormi et recourbé sur lui-même. Maria décida de s’asseoir à côté de lui. L’homme se redressa et commença à tousser. Quand il eut fini, il s’adressa à elle :

– Bonsoir, jeune demoiselle ! Vous venez me tenir compagnie ?

– On peut dire ça…

Maria inclina sa tête en arrière contre le mur et plongea les mains dans ses poches. Sa main gauche rencontra une feuille de papier. Elle se rappela ce poème qu’elle avait écrit l’après-midi même pendant le cours de mathématiques. Elle sortit le papier plié en quatre, l’ouvrit et commença à le relire.

L’homme à côté d’elle semblait s’intéresser à ce qu’elle faisait et jetait des coups d’œil intéressés à la feuille de papier. Maria le remarqua, mais ne lui fit aucune réflexion. Il sembla gêné, il se redressa sur sa chaise et balbutia :

– C’est une lettre d’amour que vous lisez ?

– Pas vraiment non… C’est un poème que j’ai écrit.

– Vous êtes une poète connue ?

– Non, non, fit-elle en riant presque.

– Moi, j’ai jamais su lire ou à peine. Ça m’aurait plu d’être écrivain, raconter ma propre vie… (il prit un air grave) ma chienne de vie…

Maria eut pitié de lui. Il semblait malheureux et avait dû passer sa vie à en baver. Elle n’arrivait pas à lui donner d’âge précis. Bien qu’ayant des cheveux fort grisonnants, son physique semblait pourtant relativement jeune. Son teint rouge et bouffi trahissait sans surprise une mauvaise hygiène de vie, mais son regard indiquait également une grande gentillesse à peine dissimulée. Après un court silence, il lui demanda :

– Ça vous dérange de me lire votre poème ?

Maria hésita et finit par accepter. Elle commença :

Fin d’existence

J’avance dans ce couloir étroit et noir

Complètement désaxée et sans espoir

Je peux voir l’issue au bout de ce tunnel

Et cette lumière crue qui étincelle

Exister, non, je n’y arriverai pas

Parce que je ne le veux simplement pas

Commencez sans moi vos immondes débats

Car aujourd’hui, je ne vous rejoindrai pas

Est-ce que ce monde me pardonnera

De ne pas m’être comme eux, livrée aux rats ?

Vont-ils regretter ? Vont-ils être accablés ?

Ou vont-ils tous m’oublier à tout jamais ?

L’échafaud est prêt et la mort aux aguets

Trop tard pour pouvoir reculer désormais

Plus d’existence, la lame va tomber

Et moi, pour l’éternité, je serai libérée

Maria L.

Tout en lisant, Maria laissa échapper une larme qui coula le long de sa joue. Une fois qu’elle eut lu son poème, elle se retourna, confuse, vers son compagnon d’un soir. Celui-ci affichait un air étonné par ce qu’il venait d’entendre. Elle bredouilla : 

– C’est un peu noir, mais c’est ce que je ressens en ce moment… Je sais que c’est un peu indécent face à vous, car vous devez avoir plus de rancunes valables que moi sur ce que vous vivez.

Il lui prit la main et la regarda fixement :

– À votre âge, on doit ressentir un gigantesque feu à l’intérieur de soi, il devrait brûler au plus profond de vous et vous aider à aimer la vie… mais on dirait que le vôtre, malheureusement, est complètement éteint. Croyez-moi, je vous comprends et je vous plains… Vous n’avez pas encore l’âge pour vouloir vous éteindre tout comme ce feu qui devrait parcourir vos veines en ce moment même. 

– Ce feu n’a jamais brûlé ou alors il s’est consumé très vite…

Il lui tapota l’épaule en signe de sympathie. Il se retourna et attrapa une bouteille de vin rouge à peine entamée qui se trouvait à côté de lui :

– Tenez ! Vous en voulez ? Ça vous fera du bien ! 

– J’ai ma propre bouteille ! fit Maria en sortant sa bouteille de whisky de sa poche.

– À la vôtre ! dit alors le vieil homme en buvant une gorgée.

C’est à ce moment-là que le téléphone de Maria se mit à sonner.

Maria l’attrapa dans sa poche droite. Sur l’écran apparaissait le nom de Rouxette. 

– Salut Julie ! lança-t-elle en décrochant.

– Salut, Maria, tu es où ? Je suis passée chez toi et ta mère est folle d’inquiétude. Ça fait deux heures qu’elle t’attend et m’a dit qu’elle n’avait pas réussi à te joindre sur ton téléphone !

– Oui, tu sais, j’ai pas vu l’heure et j’avais éteint mon téléphone… Je voulais un peu traîner par-ci, par là…

– À d’autres ! C’est Julie, là ! Épargne tes bobards, je te connais trop… Dis-moi où tu es et je passerai te prendre…

– Tu t’inquiètes trop pour moi, tu ne devrais pas, Rouxette ! Enfin, rejoins-moi au parc dans quinze minutes si tu veux alors.

– OK, je me mets en route tout de suite ! Et autre chose… Arrête de m’appeler Rouxette, on est plus des ados ! 

Maria raccrocha avec un léger sourire. Quand elle voulut prévenir le vieil homme de son départ, elle se rendit compte qu’il venait de s’endormir sur sa chaise, la tête en avant et la bouteille de vin encore fermement serrée dans sa main droite. Elle prit alors congé discrètement. Au moment de sortir, elle remarqua une longue glace verticale posée à même le sol. Elle resta un moment droite, se tenant devant la porte à contempler son reflet. Elle se demanda alors depuis combien de temps elle ne s’était pas admirée devant un miroir. Elle s’approcha alors pour mieux se regarder, mais ce qu’elle vit ne la réjouit pas. Elle fut frappée par son visage si pâle, si tiré, signe de ses nombreuses nuits sans sommeil. Sous ses longs cheveux châtain foncé attachés maladroitement par un élastique, ses grands yeux noisette accentués par un épais maquillage foncé ne lui donnaient pas meilleure mine. Ses vêtements, portés négligemment, attristaient davantage son portrait. Elle portait ses habituels et tristes habits noirs.

– Désolé, mademoiselle, vous ne pourrez pas vous admirer… Les anges n’ont pas de reflet…

L’homme sur sa chaise s’était réveillé.

– Je ne suis pas un ange… Je ne veille sur personne et personne ne veille sur moi non plus… Je suis toute seule…

Elle se retourna à nouveau vers le miroir. Le néon, au-dessus d’elle, qui clignotait sans cesse jusqu’alors, s’éteignit soudainement en grésillant. Dans la pénombre, à présent, elle eut l’impression de voir l’apparence d’un spectre devant elle. Cette vision l’horrifia. Elle fit quelques pas en arrière, puis salua l’homme avant de sortir.

Il y avait encore beaucoup de monde au Green Coffee bien que la soirée soit déjà bien entamée. Il faut dire que bon nombre de clients étaient en réalité des lycéens qui n’avaient pas cours le lendemain, car c’était vendredi soir, et ceux-là souhaitaient passer une bonne soirée dans un endroit à la mode. L’ambiance était très conviviale et le patron, Marco, avait toujours de bonnes anecdotes à raconter ou un bon mot pour chacune des personnes qui franchissaient le seuil de son établissement et de ce fait, il était fort apprécié de tous. Le style du Green Coffee était relativement moderne, ce qui convenait aux nombreux étudiants qui le peuplaient, mais également au reste des clients — population assez hétéroclite — car chacun se sentait bien dans cette atmosphère plutôt détendue.

Il y avait la salle principale où était abrité le bar, et une autre, à l’arrière, qui était composée de jeux électriques, de baby-foots et de billards. La seconde partie était aussi remplie que la première, les différentes machines y rencontrant un franc succès. Ce soir-là, Marc, Éric et Guillaume étaient restés très tard au Green Coffee, buvant quelques bières confortablement assis dans l’une des banquettes en tissu rouge installées près des fenêtres. Le juke-box jouait I still haven’t found what I’m looking for du groupe U2. Éric semblait perdu dans ses pensées.

Éric était le rêveur de la bande. Il répétait à tout le monde qu’un jour, il ferait quelque chose de sa vie. Il espérait devenir célèbre grâce à la musique ou, tout simplement, souhaitait qu’un coup du destin lui fasse avoir une vie hors du commun. Son style décontracté et bien habillé convenait parfaitement à son physique et à son style rassurant. Son regard cachait à peine sa détermination et son ambition. Guillaume était un peu l’opposé, car il vivait au jour le jour et souhaitait simplement passer de bons moments en compagnie de ses amis. Lui aussi faisait de la musique, mais uniquement comme un passe-temps. Cependant, sa grande frustration avait été le jour où Éric n’avait pas voulu qu’il intègre le groupe dans lequel il jouait. Guillaume l’avait mal pris à l’époque et n’avait plus parlé à Éric pendant deux semaines. Guillaume était plus réservé que lui ; de plus, arborant une coiffure négligée et une fière barbe, il faisait plus office de « garçon tranquille », mais cela collait parfaitement à son caractère. Quant à Marc, il était plus difficile à cerner. En ce sens, il était un peu le meneur. Il n’était pas du genre démonstratif. Certains le trouvaient timide, mais au fond, il avait toujours voulu qu’on le laisse tranquille. Il n’aimait s’entourer que de ses proches amis et n’allait jamais vers les autres. Son regard un peu nostalgique couplé à son attitude de solitaire faisait que personne n’osait lui adresser la parole dans les soirées. De plus, il aimait se démarquer des autres. En ce sens, il aimait se créer des coiffures originales et s’habillait toujours de façon un peu gothique.

Ces trois-là s’étaient connus au lycée deux ans plus tôt. Depuis qu’ils se connaissaient, ils ne se quittaient jamais, même en soirée. Marc était en train d’annoncer à Guillaume qu’il y avait de grandes chances que leur groupe  les « Shadow of Bodies » fasse un concert dans l’établissement où ils se trouvaient.

Éric avait toujours l’esprit ailleurs. Par moments, il jetait un coup d’œil à son portable afin de voir s’il ne recevait pas de message de la part de Julie. Il regrettait un peu de lui en avoir envoyé un l’après-midi même lui demandant le numéro de son amie Maria. Il avait peur que Julie le prenne pour un idiot… Et, finalement, se disait-il, pourquoi me prendrait-elle pour un idiot ? Cette fille lui plaisait… enfin, il n’en était pas tout à fait sûr. En fait, elle l’intriguait et il voulait mieux la connaître. Il l’avait vue pour la première fois, un jour où il était passé prendre Julie pour répéter leurs derniers morceaux. Il s’était arrêté devant chez elle, au volant de sa Ford — prêtée pour l’occasion par ses parents — et avait klaxonné deux fois comme à son habitude. Julie était sortie peu de temps après, sa basse à la main. C’est au même moment qu’il vit sa voisine rentrer chez elle. Julie l’avait alors appelée pour lui dire quelques mots qu’il n’avait pas entendus, le bruit du moteur couvrant leurs paroles. Il l’observa le temps qu’elle discutait avec Julie. Il remarqua surtout son agréable sourire et ses yeux très doux. Parfois, elle glissait ses doigts dans ses cheveux pour les replacer et jetait des coups d’œil furtifs et intrigués au véhicule d’Éric. Sous une épaisse veste en cuir, elle semblait avoir trop chaud, car elle la portait négligemment, découvrant son épaule droite et un léger haut. Il remarqua également qu’elle portait des bottes en cuir pointues et une longue jupe noire qui descendait jusqu’aux chevilles. Ce jour-là, il aurait voulu s’approcher pour faire sa connaissance, mais il s’était abstenu. Il avait cependant ensuite, questionné Julie sur cette inconnue durant tout le trajet.

Aujourd’hui, il ne savait pas pourquoi cette fille lui était revenue en tête et pourquoi il voulait à tout prix la revoir.

– Au fait, Julie m’a dit que si on faisait ce concert, on devrait retravailler les morceaux de l’album Tensions corporelles… Qu’est-ce que tu en dis ?  fit Marc en s’adressant à Éric. 

Éric fut tiré de ses pensées.

– Ah… euh… oui, peut-être, faut voir…

Guillaume ne put s’empêcher de le taquiner.

– Qu’est-ce qu’il y a ? T’as pas lâché un mot depuis tout à l’heure ! Doit y avoir une fille là-dessous…

– Non, non, bredouilla Éric, c’est juste que je suis fatigué…

– Mouais, mouais, répondit Marc, non convaincu, en tout cas, Guillaume, tu viendras au concert ?

Guillaume eut à peine le temps d’ouvrir la bouche pour lui répondre, qu’un énorme fracas de verre se fit entendre du côté du bar.

Juste après, une voix rauque et forte cria : 

– Je vais te péter la gueule si tu me ressers pas, enfoiré !

Ne pouvant pas voir ce qui se passait dans la salle voisine, tous les clients, jusqu’alors tranquillement installés aux tables voisines, se mirent à se regarder d’un air interrogateur, comme si quelqu’un pouvait leur expliquer ce qui était en train de se dérouler dans la pièce à côté. Tous les trois se levèrent d’un bond pour se diriger vers l’endroit où des cris de panique commençaient à se faire entendre à présent. Lorsqu’ils passèrent le long couloir qui séparait les deux parties du café, ils virent un homme appuyé des deux mains sur le comptoir, qui essayait de descendre péniblement de son tabouret. Marc se dit que cet énergumène avait très certainement bu plus que de raison, à en juger par son attitude. Il semblait néanmoins avoir l’habitude ce genre d’état, au vu de son visage rouge cramoisi et de cette situation grotesque. L’homme devait avoir entre quarante-cinq et cinquante ans, mais son visage fort marqué lui donnait l’impression d’être beaucoup plus âgé. Marco, le gérant, essayait de le calmer tout en le dirigeant vers la sortie afin de s’en débarrasser. Marc, appuyé contre un mur, contemplait l’affreux spectacle en s’imaginant le sort de sa pauvre famille. Il se tourna vers Éric, ce dernier remuait sans cesse, il se sentait prêt à bondir pour jeter l’homme dehors en lui bottant le derrière. Guillaume, lui, semblait plus calme, mais affichait un air consterné et écœuré. Quant aux autres clients, ils s’offusquaient, criaient, paniqués, mais semblaient pour la plupart, incapables de faire quoi que ce soit.

Soudain, Marc reconnut l’homme.

– Je l’ai déjà vu, lança-t-il aux deux autres, c’est le père ou le beau-père de la fille qui habite à côté de chez Julie.

Éric se retourna vers lui.

– Maria, tu veux dire ? La fille châtain aux cheveux longs ?

– Oui, c’est ça, la fille qui s’habille toujours avec des vêtements sombres, un peu bizarre… Tu la connais ?

– Euh… Oui, je l’ai aperçue l’autre jour alors qu’elle rentrait chez elle. J’étais passé chercher Julie… Ce gars-là est son père ? Eh bien, elle doit pas s’éclater chez elle…

Guillaume voulut taquiner Éric en lui demandant si cette fille lui plaisait, mais il ne le fit pas, car l’heure n’était pas à la plaisanterie.

À présent, Marco, aidé par deux serveurs, était en train de pousser l’homme ivre hors de l’établissement en tentant de le calmer du même coup. Ils étaient presque arrivés à la porte de la sortie quand le principal protagoniste du scandale arriva à se dégager d’un coup d’épaule et à envoyer un violent coup de tête à Marco, qui tomba instantanément sur le sol en se tenant le nez entre les mains. Les deux autres serveurs, choqués par la scène, le lâchèrent d’un seul coup. Ils se jetèrent un bref coup d’œil comme pour décider de ce qu’il convenait de faire. Sans perdre de temps, l’homme, qui pourtant semblait ne pas tenir debout l’instant précédent, commença à frapper Marco, toujours étendu à terre, à grands coups de pieds dans le ventre et à la tête de Marco qui hurlait sous la violence des coups. On pouvait voir du sang s’échapper par giclées du nez et de la bouche du pauvre barman. Les clients continuaient de protester et de crier. Ce n’était plus qu’un vacarme indescriptible. D’un seul coup, Éric passa devant tout le monde et fonça comme un prédateur sur l’homme qui continuait à rouer sa victime de coups. Il dépassa les deux serveurs qui semblaient à présent tétanisés. Il empoigna l’homme par le haut de sa veste, ouvrit la porte et, d’un geste brutal, l’expédia dehors sans que celui-ci ne se rende compte de ce qui lui arrivait. Il roula sur lui-même et alla cogner contre des poubelles qui jonchaient le trottoir, manquant d’en renverser une. 

Il ne demanda pas son reste et, après quelques insultes, décida de partir. Les deux serveurs s’occupèrent alors de Marco dont le visage tuméfié et ensanglanté témoignait de la violence des coups qu’il avait subis. Ce soir-là, le paisible Green Coffee ferma ses portes plus tôt qu’à l’accoutumée.

Je ne veux

Plus de bain de sang

Je ne veux

Plus de souffrance

Seulement un peu de cette essence

Qui m’aide à rester vivant

Extrait de Tensions corporelles /  Shadow of Bodies 

Le temps était agréable même si le printemps n’était pas encore arrivé. Un simple vent léger venait chatouiller les branches des arbres. À cette heure avancée de la soirée, le parc de la ville de Hêtres était désert. Seules deux filles allongées près d’un arbre discutaient en fixant les étoiles dans le ciel.

– Maria, j’en reviens pas que tu m’appelles encore Rouxette ! Ça me rappelle ces années quand on traînait toujours ensemble, inséparables. 

– Oui, quand on était des ados… On se rejoignait ici tous les soirs et on s’imaginait la vie qu’on voudrait. On refaisait le monde en regardant les étoiles et à inventer des nouvelles conneries pour se faire remarquer.

– Oui, du genre, se maquiller comme des pétasses, juste pour faire hurler les parents !

Maria pouffa de rire, mais ajouta plus sérieusement : 

– Bordel, j’étais loin d’imaginer que ma vie deviendrait un cauchemar comme aujourd’hui. À l’époque, on était insouciantes, on cherchait juste à prendre du bon temps, on se foutait de ce qui pouvait arriver… Je me disais juste : « Profite un max ! Tu verras, tout ira bien pour toi. Y a pas de raison… »

– Tu sais, Maria, même si tu vis un enfer chez toi, je suis toujours là… Nous sommes amies et tu sais que rien n’empêche qu’on passe encore des moments ensemble…

Elle disait vrai, car les deux amies étaient comme deux sœurs. Julie savait toujours comment faire rire Maria quand ça n’allait pas. C’était une fille qui aimait la vie. Son visage respirait la joie et elle affichait toujours un sourire qui la rendait agréable et appréciée de tous. De plus, elle était très jolie, ce qui n’enlevait rien. Avec ses longs cheveux roux et ses yeux noisette, plus d’un lycéen avait tenté de sortir avec elle, mais elle n’avait jamais franchi le pas.

Maria s’était tue, dans un silence inquiétant. Julie lui prit la main.

– J’ai un poison qui me parcourt de part en part, finit par reprendre Maria, plus rien ne m’interpelle, plus rien ne me passionne, ma vie ne ressemble à rien et je n’ai même plus envie qu’elle change…

– Ton beau-père t’a encore engueulée…

– Mon beau père passe son temps à m’engueuler dès que je refuse de le servir pour qu’il se saoule… Ma mère est incapable de voir ce qui se passe et que je suis en train de m’enfoncer… Quand je m’endors, le soir, je souhaite ne plus me réveiller le lendemain. Je suis comme une étoile dans le ciel immense, je m’éteins peu à peu irrémédiablement…

– Oui, sauf que les étoiles sont seules… Aucune ne croise le destin d’une autre. Alors que pour toi, je suis là et je peux t’aider. Si tu regardes mieux, tu verras que plein de personnes t’apprécient autour de toi. 

– Oui, je sais, dit-elle d’un air blasé sans aucune consistance dans la voix, mais j’ai l’impression d’être une branche pourrie et quand je vais casser, je veux pas entraîner les autres dans ma chute…

– Maria, écoute, tu me fiches la trouille. Change de vie ! Viens à la maison quelque temps… Je demanderai à ta mère, je vais m’arranger, tu vas voir. Et tu sais quoi ? Je dois normalement faire un concert le mois prochain au Green Coffee, t’auras qu’à venir ! Tu sais je m’en veux aussi de ne pas te consacrer plus de temps à cause de mes répet’ avec le groupe, mais t’as qu’à y participer, ça pourrait être marrant…

– J’ai pas envie de t’embêter avec ma vie et que tu me traînes comme un boulet. Tu es une fille vraiment bien. Je t’envie, j’aimerais être comme toi… mais… j’y arrive pas, je suis désolée !

– Je te laisserai jamais tomber, Maria ! C’est hors de question ! Tu es ma meilleure amie et quand tu te détruis, ça me fait mal… Je m’en veux de ne plus te voir depuis que je fais de la musique.

Maria, qui contemplait le ciel jusqu’alors, tourna la tête vers Julie. Elle semblait prête à pleurer. Maria s’approcha et se serra contre elle.

– Merci ! dit-elle tout bas. Putain, j’ai besoin qu’on m’aide… !

Elles restèrent un long moment serrées l’une contre l’autre, comme pour se protéger du malheur qui aurait pu s’abattre à n’importe quel moment. Elles ne dirent plus un mot. Maria ferma les yeux. Elle avait le cœur léger d’avoir pu se libérer de tout ce qu’elle avait à l’intérieur d’elle. Malgré elle, après plusieurs minutes, elle se mit à somnoler ; puis, d’un coup, elle sentit son esprit et son corps se relâcher, cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas éprouvé ce bien-être. Elle connaissait pourtant cet effet, cette impression de ne pas être tout à fait endormie ni tout à fait réveillée. Elle se trouvait juste à la frontière entre le rêve et la réalité. Elle avait lu quelque chose là-dessus quelque temps auparavant, le cerveau génère une substance — elle ne se souvenait plus du nom — qui procure une impression d’euphorie et on se met à rêver à des choses agréables en restant partiellement éveillé. C’est ainsi que l’instant d’après, elle se vit étendue dans un grand champ rempli d’herbes très hautes, au milieu d’une nature bienfaisante, dans une béatitude exceptionnelle. Un doux soleil venait la réchauffer et l’apaiser. Il n’y avait pas un bruit, pas un souffle de vent. Maria n’avait plus de soucis et de toute façon, rien ne pouvait l’atteindre. Elle se sentait revigorée, enfin heureuse et plus rien ne comptait désormais. Son existence avait changé, tout avait changé. Tout son passé et ses blessures avaient disparu. Elle savait qu’elle repartait à zéro et que tout était bien. Le feu brûlait à nouveau à l’intérieur d’elle. Elle se redressa et fit quelques pas nonchalants. Le champ s’étendait jusqu’à l’horizon et partout où elle regardait, elle n’en voyait pas la fin. Soudain, derrière elle, quelqu’un l’appela :

– Maria… 

La voix était familière.

– Maria, il faut que je te ramène chez toi, ta mère va vraiment s’inquiéter…

Retour à la réalité… Maria ouvrit les yeux et se releva, il faisait noir, le soleil, le champ et toute sa joie avaient disparu. Elle se tourna vers Julie. 

– Tu as raison, lui dit-elle, il est temps que je rentre.

– Mais dis-moi, tu as des yeux fatigués… Tu dormais ?

– Euh, un peu… bredouilla-t-elle.

– Ooohh ! Je suis désolée Maria, j’avais pas vu…, lui dit Julie en lui prenant le visage dans les mains tendrement.

– C’est pas grave ! Tu sais, ça m’a fait beaucoup de bien de passer un petit moment avec toi. 

– Au fait, tu sais, l’autre jour, quand on parlait devant la maison, il y avait un ami dans la voiture garée devant chez moi. Il s’appelle Éric, c’est le chanteur de mon groupe, et depuis qu’il t’a vue, il n’arrête pas de me parler de toi.

Maria fronça les sourcils sans dire un mot.

– Enfin, voilà, poursuivit Julie, il m’a demandé ton numéro, il a envie de te contacter pour aller prendre un verre avec toi.

– Non, non, non, protesta Maria, j’ai pas besoin de ça en ce moment. J’espère que tu lui as pas donné.

– Non pas encore, mais je le ferai. Tu veux que ta vie change, c’est l’occasion. Fais-moi confiance, il est très bien. Accepte de le rencontrer, prends un verre avec lui, ça t’engage à rien.

– J’ai pas envie de voir un mec…

– C’est pas « un mec », c’est un ami ! Crois-moi, tu vas l’apprécier. Fais ça pour moi s’il te plaît, essaye au moins ! Si ça te botte pas, je te promets de ne plus t’embêter avec lui !

– Bon sang ! T’es pas possible ! OK ! (elle soupira), mais un verre et basta ! Je te préviens ! C’est vraiment parce que tu es ma meilleure amie…

Julie afficha un large sourire.

– Je suis sûre qu’il va te plaire… 

Elle attrapa Maria par le cou et l’embrassa fortement sur la joue en signe de reconnaissance.

Une légère pluie commençait à s’abattre sur le parc de Hêtres. Des cercles causés par l’impact des gouttes commençaient à apparaître sur la surface de l’étang. Il faisait nuit noire et l’endroit était toujours aussi désert. Seules deux filles regagnaient doucement la sortie dans une ambiance de franche amitié.

Madame Lauria entendit une portière de voiture claquer dehors. Elle regarda instinctivement l’horloge du salon. Il était vingt-deux heures. Elle soupira et attrapa sa tasse de thé posée devant elle sur la table basse. À cette heure, comme à son habitude, elle regardait son feuilleton policier préféré. Une voiture redémarra. 

Maria abaissa discrètement la clinche de la porte d’entrée et s’aperçut que la porte était fermée à clef. Elle attrapa le trousseau dans une de ses poches et fit jouer une des clefs dans la serrure. Elle prit garde, une fois à l’intérieur, de ne pas allumer la lumière pour être sûre de ne pas réveiller sa mère, mais rapidement, elle entendit que la télévision fonctionnait. Elle traversa quand même le couloir à pas de loups et poussa la porte du salon entrouverte.

Quand elle vit sa mère dans le canapé dans une semi-obscurité, elle lui lança innocemment :

–  Je suis rentrée…

Sa mère tourna légèrement la tête dans sa direction et ne prit pas la peine de répondre à sa question et se contenta de lui demander si elle avait conscience de l’heure à laquelle elle était rentrée.

Maria soupira.

– Je suis désolée Maman.

– Tu étais où ?

– Avec Julie.

– Tu as mangé ?

– Oui… avec Julie.

Sa mère se contenta d’un signe d’acquiescement agacé. Maria avait menti. Ça lui arrivait de plus en plus fréquemment. Elle embrassa sa mère, se dirigea vers la cuisine et se servit un grand verre d’eau. Du coin de l’œil, elle regardait sa mère, plongée dans son feuilleton — stupide selon Maria —. Sur la table, traînaient deux assiettes : une pour Maria et une pour son beau-père, signe qu’il avait décidé lui aussi de rentrer tard. Sa mère sombrait également de plus en plus. Elle semblait de plus en plus léthargique, cela était essentiellement dû à la quantité d’antidépresseurs qu’elle ingurgitait. Elle se laissait aller de plus en plus. Elle avait les traits tirés et une mine toujours fatiguée. Ses longs cheveux châtains étaient mal coiffés, voire ébouriffés, et elle portait toujours des vêtements tristes et passés de mode. Maria voulait l’aider, mais ne savait pas comment s’y prendre. Bien sûr, elle avait déjà essayé maintes et maintes fois de parler avec elle, mais sans grand résultat.

– Est-ce que tu as vu ton père ? lança soudainement sa mère sans quitter les yeux de la télévision.

– D’abord, ce n’est pas mon père, et ensuite sans être devin je peux très facilement imaginer qu’à cette heure, il doit être dans un café en train de boire jusqu’à ce qu’il ne tienne plus debout… une fois de plus !

– Ouais…

Sa mère avait répondu négligemment, car elle savait que finalement, elle connaissait aussi la réponse.

Maria reposa son verre et alla s’asseoir dans le canapé à côté.

– Tu veux une cigarette ? lui demanda sa mère.

Maria accepta et tira une blonde du paquet posé devant elle et après l’avoir allumée, elle se cala parfaitement dans le fond du canapé. Tandis que sa mère continuait à scruter l’écran devant elle, Maria ne put s’empêcher de l’observer. Depuis quelques années, elle n’était plus la même. Elle avait perdu tout ce qui la caractérisait par le passé. Elle semblait plus fragile, moins sûre d’elle, son visage était marqué par le souci et elle ne prêtait plus d’attention à l’apparence qu’elle dégageait.

Depuis la mort de son père, Maria et sa mère avaient quitté Avinoix pour emménager à Hêtres. Maria ne s’était jamais habituée à cette nouvelle vie moins confortable. Cette nouvelle maison qu’elles habitaient semblait vide, triste et sans joie. Les pièces manquaient sérieusement de décoration ou d’entretien. Sur les murs nus, des fissures apparaissaient à quelques endroits et le mobilier laissait à désirer. Il est vrai que depuis qu’elle était veuve et qu’elle ne travaillait plus dans l’hôtellerie, madame Brunet veuve Lauria — qui avait souhaité gardé son nom marital — avait du mal à joindre les deux bouts.

Maria jeta ses cendres dans le cendrier.

– Tu vas le foutre dehors quand ? 

– C’est peut-être toi qui vas payer le loyer de cette foutue baraque ? répondit sa mère, presque agressive.

– Tu rigoles ? Pour le peu qu’il gagne à faire ses petits boulots par-ci, par là et à tout gaspiller dans ses dettes de café, excuse-moi, mais on se débrouillerait mieux sans lui !

Maria avait marqué un point et sa mère le savait bien, mais le fait est qu’elle le craignait, car il pouvait se montrer dangereux quand il avait un peu trop bu.

– Maman, j’en ai marre de cette vie, de cette maison et surtout de lui. Faut qu’on parte et qu’on recommence une autre vie ailleurs et loin d’ici.

Une larme commença à couler le long de la joue de sa mère.

– Maman, on mérite pas ça, je t’aime et j’aimais papa… Tu te rappelles comme on était bien à trois, c’était une autre vie… C’est si loin que je me demande si ça a vraiment existé !

– Arrête, s’il te plaît, arrête !

Elle se leva brutalement du canapé et partit dans la cuisine. Elle attrapa au passage un torchon qui pendait à des crochets solidement fixés au mur et se couvrit le visage pour cacher ses pleurs.

Soudain, dans un vacarme, elles entendirent la porte d’entrée s’ouvrir et s’écraser contre le meuble de rangement du couloir, puis s’ensuivit aussitôt une voix grave et éméchée : 

– Bon sang ! Qu’est-ce qu’elle a encore, cette foutue porte ?

Maria et sa mère se regardèrent d’un air contrarié. Peu de temps après, Paul Douenne apparut dans l’encadrement de la porte du salon. Il titubait, avait du mal à garder les yeux ouverts et avait les pans de sa chemise complètement sortis de son pantalon. Maria l’inspecta de la tête aux pieds d’un air dégoûté. Peu gêné par son apparence, il souriait bêtement en se tenant maladroitement contre le mur pour ne pas vaciller. D’un ton joyeux, il lança : 

– Mes deux princesses sont là pour m’accueillir ! Ma petite femme et ma petite Maria… Mes deux anges préférés !

Le regard de Maria vira au noir. Elle se rua sur lui, déchaînée.

– Je ne suis pas ta « petite Maria », je ne suis pas ton « ange » et tu n’es rien pour moi ! Tu fais juste le guignol pour ne pas te faire engueuler d’avoir trop picolé, mais ton manège ne marche pas avec moi.

Le visage du beau-père de Maria changea. Il attrapa Maria par le cou et leva sa main droite. Maria esquissa une grimace et tourna la tête pour se protéger de la gifle qu’elle était sur le point de recevoir. Sa mère cria et s’interposa entre lui et Maria.

– Arrête, ne touche pas à ma fille. Je t’interdis ! 

Il lui jeta un coup d’œil rapide et baissa lentement la main, conscient de la gravité de son geste. Son visage était rouge et il tremblait de colère, mais n’insista pas. Maria se défit de son emprise. Elle n’arrivait pas à pleurer, sa gorge était nouée par l’angoisse, ce qui lui donnait des sensations d’étouffement. Elle partit directement dans sa chambre à l’étage, la tête basse, sans souhaiter une bonne nuit à sa mère. Le couple ne s’échangea plus une parole de la soirée.

Fin de vivre

Heure après heure

Jour après jour

J’ai cette envie

De fin de vivre

Dès que tout espoir m’écœure

Et demeure sans recours

Revient comme une manie

Cette exquise fin de vivre

Le malheur engendre le malheur

Et ma vie ne vaut plus le détour

Reste cette rassurante amie

Cette précieuse fin de vivre

Maria L.


Envoyez-moi vos commentaires sur la rubrique ‘Contact’. J’attends vos avis 🙂 !

2 commentaires sur “Découvrez « Maria, fille de la vallée des rêves » … Chapitre 1 :

    1. Bonjour, je viens de me rendre compte que la réponse que je vous avais faite n’a pas été enregistrée. Je recommence donc.
      Merci pour votre commentaire qui me fait vraiment plaisir. C’est ce qui me motive et qui me pousse à aller jusqu’à l’édition. Je vous tiendrai au courant bien sûr de l’évolution de mon projet. A bientôt. Ludovic

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